J'ai pu suivre ce mois de Mars un stage d'aquarelle par Maryse de May, à Pessac. Le stage était organisé par l'association "Couleurs du Cap", il durait trois jours, il avait pour sujet la composition et les fondus en aquarelle. Une grande aquarelliste, un groupe nombreux, deux sujets, trois jours de stage, il allait y avoir du swing. Je n'ai pas été déçue.

L'artiste Maryse de May est une très grande artiste. Ce qui frappe dans son approche, c'est son humilité, ou quelque chose qui y ressemble. Elle n'a pas la grosse tête, c'est peut-être la marque de distinction des grands. Elle a commencé à travailler avec l'aquarelle en 1983, cela fait tout juste 30 ans de passion avec ce médium. Elle a une approche très pragmatique pour gérer des groupes, elle propose des pas à pas très structurés. Elle est venue, apportant avec elle une documentation nombreuse et de qualité pour nous permettre de réaliser les compositions prévues, elle est très professionnelle, et plutôt dirigiste, sans être rigide. Elle a beaucoup de charisme, une douceur, beaucoup de douceur, et de l'empathie. Elle est très assidue pour le groupe, elle fait le tour de façon très fréquente, se concentre sur les travaux de chacun pour conseiller et réajuster le tir si nécessaire, Elle ne laisse personne de côté.

Et : Maryse de May est deux. Oui oui oui, puisque je vous le dis. Le deux, c'est Jissebro (J.C.Brault), son ami et complice, qui l'accompagne et la soutient. C'est Maryse qui dirige le stage. Jean-Claude prend le relai pour du dessin, fait parfois le tour. Il intervient surtout en contrepoint habile du discours de Maryse qu'il ponctue de courtes remarques piquantes bien senties. Humour inclassable en vue, ces deux-là forment une sacrée paire de duettistes.

Le stage s'est déroulé en trois parties. La première partie était très intéressante, il s'agissait d'un commentaire de travaux réalisés et choisis par les élèves. Nous avons vu défiler des marines, des sous-bois, des villages, des paysages exotiques, quelques natures mortes, des bouquets, un portrait. Pour ma part, j'ai fini par présenter un nu réalisé à la gouache, plein de taches et de lumière. Maryse l'a aimé, elle l'a dit. Jissebro m'a dit qu'il y avait un défaut dans le trait et que les fesses étaient plates. Je ne connaissais pas l'humour du personnage, je me demande s'il parlait de moi ou du tableau. Maryse a émis une réserve sur les couleurs, elle m'a parlé d'intention. Il n'y en a pas dans mes tableaux, j'y vais "au pif", à l'instinct, et particulièrement pour les couleurs.

Maryse fait un travail d'analyse en direct, sur de nombreux exemples qu'on lui soumet dans l'instant. Elle regarde un tableau, analyse la circulation du regard (équilibre des masses et des couleurs, centre d'intérêt, par où le regard entre-t-il dans le tableau? Sa circulation est-elle entravée?) et donne des propositions de réflexions et d'améliorations, souvent étayées visuellement par un ou deux collages à la patafix de petits bouts de couleurs découpés avec fébrilité et sous nos yeux attentifs dans des magazines. C'est ainsi qu'une marine gagne beaucoup d'intérêt par une ombre foncée en lisière d'arrière plan, ce qui permet de faire cheminer à nouveau le regard, un portrait gagne en force en ajoutant quelques touches auburn foncées dans les cheveux, la composition d'un bouquet est revue en ajoutant quelques éclats foncés et en proposant un format carré plutôt que vertical.

Dans un second temps, l'après-midi du 1er jour, nous avons commencé à travailler sur le 1er pas à pas. Le tableau terminé nous a été montré : il s'agit d'un couple d'amoureux enlacés marchant dans un sentier ombré, bordé de buissons et délimité par des poteaux. Une lumière radieuse qui arrive par la droite inonde le tableau, et quelques silhouettes d'arbres déplumés de leur feuilles se produisent en arrière plan.

Maryse nous a d'abord fait travailler sur la palette, les couleurs, les mélanges, les fondus. Jaune transparent d'abord, jaune indien ensuite pour donner des accents plus chauds. La transition vers le bleu se fait en obtenant un gris coloré (jaune transparent + indien + violet dyoxi...) et on va vers un bleu additionné de violet. Pour figurer les buissons, on additionne peu à peu des valeurs une plus en plus foncées en utilisant des couleurs crémeuses. Jaune d'ocre + terre de sienne, et rouge mélangé à un bleu (tendance ...???) pour finir par obtenir une valeur très foncée.

Cet exercice m'a paru très difficile, je n'ai pas l'habitude de réaliser et de penser des montées en valeurs de cette façon. Je me contente souvent de mélanges de couleurs obtenus avec les 3 primaires, et j'ajoute des touches lorsque je veux figurer une ombre, sans réfléchir aux fondus, aux transitions de couleurs, aux harmonies.

Après la démo par la prof, me voila donc partie pour figurer un ciel inondé d'or et pourtant bleu, et les fondus doré et marron des buissons. Je me sens tétanisée car pas sûre de la palette et des couleurs, c'est dur. Je suis angoissée, et ma voisine s'énerve : elle a choisi un papier Arches mais dans un format plus grand que celui qui était recommandé pour le stage : elle râle, le découpe, s'emberlificote avec ses bouts de scotch et son papier au moment de le coller sur sa planche. Stress et panique sont à bord. Mes buissons me paraissent trop denses par rapport à ceux de mes voisines, on ne comprend pas très bien de quoi il s'agit.

S'ensuit une grande exposition commentée des "fonds" des unes et des autres. Ça ne va pas trop mal, mais Maryse nous fait travailler un second fond selon le même principe. C'est le meilleur des deux fonds qui sera choisi pour poursuivre.

La plupart des filles voient leur deuxième fond sélectionné. Pour moi, le deuxième est jugé "trop dense" : pas assez de place pour y faire figurer les personnage, et c'est le premier, malgré tous ses défauts, qui est sélectionné.

Vient ensuite la composition : dessin des personnages (à l'échelle, et d'après une photo fournie par Maryse) : étude des principales lignes directrices et reproduction, puis placement du sujet sur le fond, et report du dessin par décalque.

Démonstration à nouveau, pour indiquer comment peindre le couple : d'abord avec les couleurs claires, puis avec des couleurs de plus en plus foncées (et notamment du terre de sienne pour figurer les parties foncées de peau, dans l'ombre). Cette partie là ne se passe pas trop mal.

Nouvelle démo pour nous montrer comment peindre et figurer les piquets sur le bord du chemin. En négatif par retrait, ou par ajout de couleurs. Orientation et taille des piquets. Cela semble facile lorsque c'est la prof qui exécute sous nos yeux scrutateurs, mais je panique lorsque c'est à moi de faire. Utilisation de jaune indien pour figurer les piquets du fond : j'ai l'impression de peindre des piquets en or. Et pour les piquets de devant, comment faire? Ma voisine me suggère de respirer un grand coup, et effectivement ça va mieux, on évite la crise de nerfs. Je finis par me décider pour procéder par retraits et grattages devant mes buissons - ombres, ça ne va pas si mal.

Et les arbres du fond? faire circuler de la couleur sur des réseaux d'eau, ménager des effets de transparence par la où arrive la lumière en épongeant le surplus de couleurs, varier les nuances : un brun chaud ici, du rouge par là et une couleur plus terreuse, voire bleutée, ici. D'autres arbres au lointain peuvent être ajoutés avec une palette dégradée.

Voila la merveille (qui n'en est pas une). Wouaw pour l'effet de lumière, bof pour beaucoup de choses...

Promeneurs

Deuxième nature morte : les pavots au vent

Composition d'une image à partir de deux ou trois : quelles sont les lignes qui attirent l’œil dans une photographie? Essai de synthétisation de ces lignes directrices, et reproduction à l'échelle en utilisant la technique du "je veux, j'obtiens" qui permet de reporter de façon relativement simple les rapports de taille. Mon image se construit patiemment, je trouve que la méthode manque de spontanéité, mais je l'applique.

Dernier jour : on met en couleur les pavots. D'abord démo puis exercice sur un pavot "tout seul" pour s'essayer aux fondus. Mon fondu bleu derrière le pavot est singulièrement gris, je me dis qu'il va falloir changer tout ça. Je n'ai pas appliqué assez franchement les couleurs de fond, et pas avec assez de pâte. Et mon pavot tout seul est rouge, mais il manque de lumière et de vibration. Maryse ré-explique : on peint d'abord le fond (beaucoup de bleu violet, quelques passages rapides par des gris, et des oranges floutés éclatants comme d'autres pavots dans le loin. Et pour les pavots, on commence par le cœur et les couleurs claires (jaune transparent, puis jaune indien, puis large frange d'orange, sur laquelle on vient passer le rouge puis les couleurs plus foncées (alizarine, violet)). Il faut laisser quelques points de contact entre le fond et les pavots dans lesquels les couleurs se mélangent, le fond entre dans les pavots.

Les pavots doivent être traités un peu différemment les uns des autres, il faut faire un choix et en mettre un plus particulièrement en avant pour attirer le regard. Et il faut aussi une "zone de repos" pour reposer et apaiser le regard : nous l'avons positionnée en dessous, à droite des pavots.

Pour les finitions, j'ai appris une chose très intéressante, le gravage sur aquarelle humide. Cette technique a été utilisée pour suggérer les plis délicats dans les pétales du pavot, les étamines... Et les poils de la tige et des boutons de coquelicots. Il s'agit juste de tracer les graphismes (plis, étamines) à la plume, ou avec un bout de bois pointu, ... dans l'aquarelle fraiche, en appuyant un peu. La partie qui a été enfoncée prend la couleur et celle-ci parait plus foncée que la couleur de surface. Cette technique permet d'obtenir un tracé net, avec une couleur légèrement plus foncée que la couleur de surface.

gravage aquarelle

Nous avons en dernier travaillé les boutons de pavot (les miens étaient plus gros que ce que j'aurais souhaité... Toujours trop gros, je les ai refaits plusieurs fois! Et enfin en dernier, les queues des fleurs. Cette dernière étape a été démontrée par Maryse à la fin du stage, mais chacun a ensuite complété (ou pas) son œuvre en dehors du stage. J'espère que les uns et les autres ont eu le courage de retoucher le tableau pour y ajouter cette touche finale.

pavots au vent (non finis))

Voici le mien tout fini, je le trouve formidable :

pavots au vent (finis))

Et il a reçu plusieurs beaux compliments.

Ce que je retire du stage, outre le plaisir de pouvoir tous les jours admirer "mes" pavots dans le salon :

- La composition : un peu trop ardu et laborieux à mon goût, je ne suis pas encore prête à fournir ce type de travail. Mais j'y ai été sensibilisée, j'ai compris le sens du mot "composer" en peinture. A creuser.

- La couleur : comme l'écrit Maryse dans son livre "l'aventure avec les fleurs", pourquoi ne pas utiliser les plus belles? Et pas juste avec le bout du pinceau... J'avais eu déjà avec Bénédicte Stef et Reine-Marie Pinchon un aperçu de ce que l'on pouvait faire en utilisant de l'aquarelle "en pâte". Là, il s'agit en plus d'utiliser des couleurs parfois très pures : c'est une proposition réjouissante. Pas sûre d'être prête à l'adopter très vite, mais j'en aurais bien envie... Et si je me mettais à dessiner des fleurs, juste pour le plaisir d'utiliser une palette flamboyante?

- Les fondus : cf. couleur, ça va venir, il faut persévérer.

- Les sentiments : quand on aime, il ne faut pas compter... Bises aux pétales qui s'envolent au vent. A bientôt, aux prochains stages, aux prochaines découvertes.